« William S. Burroughs : Fake News & Mindfuck »

Ira Benfatto
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Un article tiré d’Opération Mindfuck, la nouvelle vague, un dossier d’Ira Benfatto publié dans le second numéro de Mutationnotre « poster à lire » imprimé au mois de février 2019. Où l’on découvre l’utilisation du terme de « fake news » par William S. Burroughs, bien avant que cette appellation ne se voit consacrée par les médias de masse à l’heure de l’Internet et des réseaux sociaux.

Écrivain américain emblématique de la Beat Generation, William S. Burroughs (1914-1997) a profondément influencé la littérature du XXème siècle par ses œuvres expérimentales et subversives. Issu d’une famille aisée à Saint-Louis, Missouri, Burroughs n’en a pas moins mené une vie mouvementée, marquée par des expériences avec les drogues, la marginalité et la criminalité, qui ont profondément influencé son œuvre.

Son roman le plus célèbre, Le Festin Nu (1959), a choqué pour son style fragmenté et ses descriptions explicites de la toxicomanie. Burroughs s’est installé à Tanger, Londres et Paris avant de retourner aux États-Unis, où il est devenu une figure respectée de la scène littéraire et artistique. Ses œuvres explorent des thèmes tels que le contrôle social, la sexualité et l’existence humaine.

Portraits de William S. Burroughs  © Paul Natkin, Marco Klefisch & DR

À la page 48 de The Revised Boy Scout Manual : An Electronic Revolution, anthologie de ses textes au tournant des années 1960 et  1970, William S. Burroughs utilisait déjà le terme de « fake news ». Il préconisait leur dissémination dans le but d’instaurer une panique générale et de précipiter la planète dans la tourmente. Le modus operandi qu’il prescrivait, comme par exemple de mixer des images de révoltes dans un pays avec celles d’une autre nation, est aujourd’hui dûment suivi et appliqué par certains pouvoirs en place. Le chaos, certes, mais plus vraiment au service de la révolution.

Interrogé quant à la réaction d’« Il Hombre Invisible » face à cet état de fait, Jack Sargeant, spécialiste de Burroughs et auteur d’Against Control nous répond : « Bien sûr, je ne peux que spéculer sur sa réponse mais, en me basant sur la lecture de son œuvre, je pense que son intérêt pour les questions de sémantique et de pouvoir l’aurait amené à étudier la mutation constante de l’idée de « réel », comme de celle de « factuel », au travers même de la vision binaire des choses qu’impliquent ces deux concepts. »

Burroughs nous a quittés en 1997, soit deux ans avant l’introduction du terme web 2.0. Une partie de la question exige que nous nous demandions en quoi Internet a changé l’écriture, ou la nature même des idées. Étant donné l’intérêt de Burroughs pour l’idée du langage comme virus, on peut penser qu’il serait fasciné par le concept de mème, en tant que forme de texte ou d’image qui se transforme en arme. Il a toujours exploré les interactions entre les image, les texte et les sons, le playback, etc.

Vu l’implication de William Burroughs avec les médias et son intérêt pour les questions de contrôle et des systèmes de contrôle, il aurait développé des stratégies pour défier l’idée d’une forme dominante de manipulation médiatique. Je pense qu’il se serait concentré sur la question de savoir à qui profite le crime. Comme William Burroughs l’écrivait dans le dernier paragraphe de sa nouvelle Ah Pook Is Here, dont le principal protagoniste emploie des techniques qui se retournent invariablement contre lui : « Here lived a stupid vulgar son of a bitch who thought he could hire DEATH as a company cop.  »

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